vendredi 29 juin 2012

Lucie, star de la parfumerie

Tu sais, c'est la première fois que j'ai autant de succès avec les jolies filles de la parfumerie, tu te rappelles, toutes ces odeurs dans tous les sens, juste avant de monter dans l'avion. Maman avait envie de se reposer un peu après la course pour faire les bagages, alors j'ai dit "Je vais faire un tour avec la chiqui." Avec la poussette? Non, avec Lucie tout contre moi.

D'abord, les dames qui attendaient aussi l'avion ont fait tout plein de sourires et puis après, quand on est arrivés dans les odeurs, toutes les jolies filles ont commencé à se mettre les mains devant le visage et à dire "Comme elle est mignonne! Quel âge elle a? Ohhhh, elle est trop chou!" Moi, je disais rien, je te serrais plus fort dans mes bras et je te faisais un petit bisou dans les cheveux.

C'est que ces jolies filles, je sais pas trop quoi leur dire, elles me font un petit peu peur. Pas parce qu'elles sont méchantes, non, pas du tout, mais parce que j'aimerais tellement qu'elles soient gentilles avec moi, très gentilles, parce que j'ai l'impression que si elles étaient toutes vraiment gentilles avec moi, ça pourrait me rendre heureux pour la vie entière. Mais c'est pas si simple. Enfin bon, je t'expliquerai.

De toute façon, c'était pas très très clair si elles te parlaient à toi ou à moi. Elles se faisaient des signes, elles s'appelaient et puis elles se disaient "Regarde, regarde, elle est su-per mi-gn-on-ne!"

Quand j'ai dit à maman que tu étais la star de la parfumerie, elle a dit qu'elle voulait aller faire un tour aussi et, quand elle est revenue, je lui ai demandé si tu avais fait sensation. Elle a dit "Non, il fallait le papa avec."

jeudi 28 juin 2012

Un incroyable rebondissement

Incroyable rebondissement dans l'affaire Akoya Asset Management! Un journaliste portugais de l'hebdomadaire Expresso vient de m'envoyer un mail en me demandant, en anglais, si j'avais d'autres informations concrètes sur le "cas Akoya"!

J'ai malheureusement dû le faire déchanter illico: non, je ne disposais d'aucune "source au sein de la justice ou de la finance suisses". La seule "info" en ma possession était ma rencontre fortuite dans un avion entre Genève et Lisbonne avec Nicolas, rencontre décrite par le menu dans les trois paragraphes de "Un milliard d'euros"...

J'ai terminé mon mail en lui disant que j'aimais beaucoup cette idée de roman qui s'écrivait tout seul grâce au web et grâce aux lecteurs de Peu importe où: je ne pouvais décidément rêver de meilleure mise en pratique de toutes ces années employées à éplucher linguistes, sociologues et autres philosophes histoire de mieux définir les contours de cette idée, insaisissable ô combien, de fiction littéraire.

mercredi 27 juin 2012

Une manifestation unique

– Chaque personne est une manifestation unique d'un moment unique. Si je ne vois que celles qui me sont utiles, je vois des choses, pas des gens.

mardi 26 juin 2012

D'un lieu à l'autre

Une note, de 2007:

"Le rêve de l’autre nuit – est-ce que je l’ai déjà noté ou pas? –: le 86 me pose au coin du parc Lezama, je descends et je monte quelques escaliers en pierre, comme ceux des vignes, et je me retrouve au pied de la colline de Chantemerle qui se trouve à Tolochenaz. Et, dans le rêve – c’est ce qui est important, dans le rêve – je m’étonne que le passage d’un lieu à l’autre m’ait semblé aussi évident, direct. A l’intérieur même du rêve, pour ne rien dire de mon réveil."

Mon importance face à l'universel

Une note, de 2010:

"Être là, présent à cette vie qui passe à travers moi, à cette mort qui prend ses quartiers de jour en jour, qui donne son importance au temps qui passe, au temps que je passe devant cet écran. Tout d'un coup, on meurt, sans même se rendre compte qu'on meurt, et puis voilà.

Tout ce vécu, tous ces souvenirs, oubliés, et en route pour une autre vie, avec une vague trace, mais vraiment tout au fond, une trace qui peut peut-être être atteinte, être touchée à travers ce patient travail d'écriture, ce patient travail de récupération de l'universel qui est en moi, cet universel dont toutes ces vies passées ne sont qu'une minuscule partie.

Mais, je sens que je n'ai pas encore très bien compris de quoi j'étais en train de parler, je sens que je donne encore beaucoup d'importance à celui que je crois être à travers cette histoire d'universel en moi, que j'insiste encore beaucoup sur moi et pas des masses sur l'universel."

lundi 25 juin 2012

Quelqu'un sur mon pas de porte

Tout à l'heure, en rentrant de l'anniversaire de Caro, j'ai dû enjamber quelqu'un qui s'était installé pour la nuit sur le pas de porte de notre immeuble: une première.

J'aurais bien aimé ne pas penser aussi spontanément que ce monsieur couché sur un oreiller noirâtre et dont la perruque blonde avait glissé sur le côté était déjà un peu chez moi, bien aimé ne rien faire d'autre que me donner la peine de ne pas le réveiller.

dimanche 24 juin 2012

Quelques cols de montagne

Quatre notes, de 2007:

"La poignée de neige sur la route du Susten, les grandes gorgées d’air les bras ouverts, la petite pierre pour Ruiz.

Le coucher de soleil sur le lac de Brienz: exactement ça.

Le petit animal que j’ai écrasé en montant le Brünig.

La redescente: l’essence au milieu du village mort."

samedi 23 juin 2012

Quatre doigts de la main

– N'oublie jamais que quand tu montres quelqu'un de l'index, il y a toujours trois de tes doigts qui pointent vers toi.

vendredi 22 juin 2012

Un ailleurs est possible

– À part ça, moi aussi, tu sais, je pense qu'un ailleurs est possible, mais il est tout près, tellement près qu'il est à l'intérieur de notre peau.

jeudi 21 juin 2012

J'ai vu un monde

Une note, de 2010:

"J'ai vu un monde où tout le monde ferait consciencieusement ce pour quoi il était là, un monde qui vibrerait d'énergies dirigées vers des buts ajustés, un monde adapté, un monde juste, pas un monde où le bonheur serait donné, mais un monde où le bonheur dépendrait d'une activité ajustée faite de bon coeur et avec tout son coeur.

Je me suis senti envahi de simplicité et d'évidence, envahi par cette découverte que tout était limpide, pour autant qu'on sache se laisser aller dans ses propres lignes de force, qu'on sache se laisser aller dans ce pour quoi on était fait, qu'on sache concentrer son énergie dans ce qui était vraiment juste pour nous, pour moi.

J'ai vu un monde où les relations entre les gens ne seraient pas recherchées, voulues plus ou moins désespérément, mais où elles se donneraient d'elles-mêmes en fonction des buts ajustés de chacun, où elles cesseraient d'elles-mêmes quand ces buts, pour une raison ou pour une autre, se mettraient à diverger.

J'ai vu un monde où chacun serait concentré sur ce qu'il a à faire, mais serait en contact avec les autres sans s'en rendre compte, sans le vouloir, de manière constante et évidente.

J'ai vu un monde simple et je me suis rendu compte que mon esprit devenait plus simple, que les choix se faisaient en moi d'une manière plus souple, limpide, évidente. J'ai senti que je m'étais ancré dans ma voie d'écriture."

mercredi 20 juin 2012

Autant de valeur que l'univers entier

– Chaque être, unique dans l'univers, a autant de valeur que l'univers entier.

mardi 19 juin 2012

Un doigt un peu lourd sur le 3

J'ai bien fait d'écouter mon petit doigt qui me disait que ce passeport express "livré en 48 heures" qui n'arrivait pas, c'était pas très bon signe. On part dans une semaine et vu que Lucie, pour les Argentins, eh ben, elle est argentine: sans tous ses papiers, elle sort pas.

Internet m'apprend que le passeport en question se trouve dans les locaux de l'agence OCA du Parc Centenario depuis vendredi, alors, ni une ni deux, c'est à même pas cinq blocs, je vais faire un tour histoire d'éclaircir la question au plus vite.

– Tu sais, t'as bien fait de venir parce que l'adresse qu'ils ont mise, elle existe pas. Bien sûr, ils t'auraient téléphoné, mais là, je te le donne tout de suite et c'est réglé.

Acoyte 4613 3C à la place de 461 3C: tu vois, Lucie, t'as failli rester en Argentine pour un doigt un peu lourd sur le 3...

lundi 18 juin 2012

Un cadeau de l'autre côté de la mort

Une note, de 2010:

"Cette nuit, j'ai rêvé de papa. J'étais avec Trudi et lui dans une ville, peut-être Bâle, peut-être Lucerne, peut-être Zurich, peut-être un mélange de toutes les trois, une ville que j'avais déjà traversée dans un de mes rêves.

On est entrés dans une banque avec sa rangée de bancomats, juste pour voir, juste après que j'aie dit à la personne qui m'accompagnait – mais il n'y avait personne d'autre – que Trudi était la fille du patron de Merkur, Merkur dont on voyait une enseigne dans la nuit de l'autre côté de la rue.

On est passés devant les bancomats et on a fait demi-tour. Papa a dit quelque chose sur les distributeurs de tickets, de quittances, qui avaient été recyclés et il a tiré un petit bonbon d'une boîte qui était là avec le même geste qu'il avait parfois quand il passait l'index dans les parcomètres pour voir s'il ne restait pas une pièce.

J'ai mis la main sur son épaule et j'ai senti l'os, j'ai senti qu'il était à la fois mort et pas mort, j'ai senti que ces retrouvailles précaires étaient un cadeau de l'autre côté de la mort, j'ai senti aussi qu'il n'y avait pas vraiment d'autre côté, qu'il n'y avait pas vraiment le côté de la mort et le côté de la vie, qu'il y avait un seul côté, que tout ce qui se passe dans le monde n'avait qu'un seul côté là où on en voyait deux.

Après, en prenant le tram – il faisait jour –, j'ai entendu une marche funèbre et j'ai vu un cortège de camions qui transportaient des voitures noires et qui roulaient à reculons parce que c'était une sorte de concours qui était organisé ici, une fois par année, seulement pour les conducteurs expérimentés."

dimanche 17 juin 2012

Sur le tas de fumier

Claire m'appelle sur Skype pour avoir des nouvelles. Elle est à la grange, elle donne à manger aux chevaux, elle doit monter sur le tas de fumier pour avoir du réseau.

samedi 16 juin 2012

Rassembler l'eau de la mer

– On pense qu'on a deux mains pour attraper les choses et pour les accumuler: c'est comme essayer de rassembler l'eau de la mer dans laquelle on nage, elle va toujours s'échapper par un autre bout.

vendredi 15 juin 2012

Jouer le jeu de l'égo

– Mademoiselle, vous savez, on ne peut pas gagner un combat frontal contre l'égo parce que, non seulement, tous les coups qu'on lui donne le renforcent, mais surtout parce que ces coups, c'est nous qui les recevons. Il faut apprendre à jouer son jeu et puis apprendre à esquiver. Olé!

jeudi 14 juin 2012

Le monde est là pour me guider en moi

Une note, de 2010:

"Une oeuvre d'art, un livre, ça devrait servir à ça: orienter vers un regard qui s'appuie sur l'extérieur pour aller à l'intérieur, plutôt que le contraire.

C'est l'extérieur qui canalise mon chemin en moi, les lieux que je traverse, les livres que je lis, les rencontres et les expériences que je fais.

Le seul chemin qui compte véritablement, à la fin, c'est ce chemin que je fais en moi grâce au monde que je traverse: le monde est là pour me guider en moi."

mercredi 13 juin 2012

Argentine, terre d'immigration

– Mais... à quelle heure vous aviez votre rendez-vous? Les bureaux pour les démarches extra-Mercosur, ça fait une demi-heure qu'ils sont fermés...

– On avait rendez-vous à 14 heures, on est arrivés à 14 heures et, tu vois, on vient de se taper une heure et demie de queue...

– Alors la dame va terminer de vous prendre les empreintes pour votre demande de résidence et moi, je vais signer derrière avec mon tampon, comme ça vous pouvez revenir n'importe quel jour sans faire la file, mais avant 14 heures...

– C'est qu'avec la petite, tu vois, c'est quand même compliqué...

– Je sais, je sais, mais moi, là, je peux vraiment rien faire: les guichets sont déjà fermés...

– Alors, on aurait dû faire quoi, nous? Arriver avec deux heures d'avance? Parce que vous savez que c'est pas possible, que cette queue qui fait tout le hall, aller et retour, ça demande au minimum une heure... On aurait dû venir directement au guichet et leur dire "Coucou, on fait pas partie du Mercosur, c'est bien ici qu'on doit attendre?" Vous pourriez pas mettre un panneau?

– Oui absolument, il faudrait faire quelque chose, tout à fait d'accord avec toi. Mais on peut pas non plus faire de la discrimination... Ça serait super violent d'arriver et de dire "Toi, viens par ici, t'es pas du Mercosur alors tu peux passer direct, pas besoin de faire la queue..."

– C'est pas faire la queue le problème. Sur Internet, une idée comme ça: quand on prend notre rendez-vous, ne pas proposer l'option de 14 heures à ceux qui ne sont pas du Mercosur? Parce que toi, là, c'est certainement pas la première fois que tu te fais engueuler pour un truc pareil, ça doit pas être marrant...

– C'est une très bonne proposition, je vais la faire passer plus loin.

– Une petite question, pendant qu'on y est. J'ai entendu dire, en faisant la queue, que la résidence précaire qu'on nous donne, elle dure 90 jours. Nous, tu vois, on va partir en Suisse dans deux semaines justement pour trois mois. C'est pas possible d'en avoir une plus longue, je sais pas, 120 jours?

– Non, c'est comme ça, une résidence précaire, c'est 90 jours. Mais tu peux repasser juste avant de partir en voyage pour une prolongation...

– Mais, nous, on va partir pour plus de 90 jours...

– Alors il va falloir payer l'amende à l'arrivée.

– Combien?

– 200 pesos par personne.

– On pourrait rentrer avec notre passeport suisse, comme touristes...

– Si tu veux être illégal, oui.

– Quand est-ce que tu as dit qu'on devait repasser?

– N'importe quel jour de la semaine, mais avant 14 heures. Si vous avez le moindre problème, vous avez mon nom sur le tampon derrière votre fiche.

– Et puis combien de temps ça va durer, plus ou moins?

– Une heure, si tous vos documents sont en ordre. Tu arrives, tu montres ce papier avec mon tampon derrière au type à l'entrée et tu vas directement au guichet.

– Ok, on va faire comme ça. Merci quand même.

mardi 12 juin 2012

"Merci d'être née"

Ces deux messieurs japonais à genoux sur le parquet devant la statue de Bouddha au coin du salon, ces messieurs qui chantaient tellement fort que tu savais pas trop si tu devais pleurer ou pas, ces messieurs, tu sais, c'est des maîtres, des sensei, des moines qui ont été dans une école spéciale pour apprendre à parler du bouddhisme, pour expliquer aux autres gens ce que Bouddha voulait dire quand il parlait à tous ceux qui se réunissaient autour de lui, en Inde, il y a très très longtemps.

Celui qui est à genoux juste devant l'autel, c'est Aoki sensei, ce monsieur qu'on appelle aussi Gustavo et qui est venu de te voir à la clinique quand tu avais à peine deux jours. Quand je l'ai rencontré, ça m'a fait pareil que quand tu es née, ça a changé ma vie: je ne voyais pas très bien autour de moi et il m'a expliqué comment je pouvais me frotter les yeux pour voir un peu mieux.

Celui qui est à genoux sur le côté et qui te jette un coup d'oeil de temps en temps dans le reflet de la vitre, c'est Okamoto sensei. Il est venu en Argentine depuis le Japon exprès pour venir faire une conférence de trois jours sur les Myokonin, ces gens qui ont atteint la paix spirituelle, ces gens qui se sentent comme quand tu as pris tout le lait que tu voulais du sein de maman, que tu as fait caca, que tu n’as pas froid, que tu n’as pas mal au ventre et que tu sais que tu va pouvoir t'endormir quand tu veux, mais eux, tu vois, ils sentent ça tout le temps, à chaque moment de leur vie.

Okamoto sensei est quelqu'un de très occupé, il voyage tellement à travers le Japon qu'il a une grande voiture pleine de livres, une vraie bibliothèque avec des roues. Gustavo l'a rencontré il y a six mois quand il est allé chanter avec un musicien qui jouait du piano électronique et un autre qui jouait de la guitare. Un soir, après un concert, Okamoto sensei a dit que si le groupe du Furaibo avait pu venir jusqu'au Japon, il ne voyait pas pourquoi, lui, il ne pourrait pas aller jusqu'en Argentine.

Si tu n'as pas pleuré quand les messieurs chantaient très fort, c'est parce que tu me regardais droit dans les yeux et que tu as bien compris que si j'étais à genoux moi aussi et que je te tenais là, couchée dans mes bras, que si je chantais la même chose aussi fort que les deux messieurs et qu'en plus maman venait se mettre à genoux à côté de nous pour nous accompagner avec sa jolie voix de maman, ça devait pas être si grave que ça.

Maintenant que Okamoto sensei te tient dans ses bras, je peux te dire que ce monsieur très doux au visage de chat, ce monsieur qui m'a demandé à la fin de la conférence s'il pouvait venir te rencontrer, eh bien, Gustavo pense que c'est sans doute un des prochains Grands Maîtres de notre école au Japon, celle du Jodo-Shinshu. C'est vrai que quand tu écoutes parler Okamoto sensei, même si des fois il utilise des mots tellement simples que c'est une peu difficile à comprendre, c'est comme s'il te racontait des histoires que tu savais déjà mais que tu avais oubliées.

Ce tableau avec des mots en japonais que tu peux voir, très chère Lucie, sur notre bibliothèque derrière Okamoto sensei, c'est un texte qu'il a peint spécialement pour maman et pour toi. D'un côté, c'est écrit que maman te dit "Merci d'être née". De l'autre côté, c'est écrit que tu dis à maman "Merci de m'avoir permis de naître".

lundi 11 juin 2012

L'habit, le moine et la bonne parole

Quand la petite serveuse rondelette m'apporte mes trois medialunas et mon café, elle me dit qu'elle m'a vu, l'autre jour, au carrefour devant la Tolva, tout de noir vêtu.

Je lui explique que c'est un habit de moine – en fait, je fais un raccourci qui m'arrange: le samue, c'est avant tout un kimono de travail – et que je vais dans un temple bouddhiste près de la place de Mai. Je lui dis aussi qu'on y mange vraiment très bien et je profite pour lui donner une des cartes du Furaibo que j'ai toujours dans ma poche. Est-ce que j'y travaille? Non non, je participe juste aux activités deux ou trois fois par semaine.

En m'apportant l'addition, elle me promet qu'elle va essayer d'aller y faire un tour et me fait un petit oui oui poli quand je lui glisse un mot des rencontres d'introduction au bouddhisme du mardi soir.

Prosélytisme, disait-on tantôt?

dimanche 10 juin 2012

Le dur métier d'écrivain

En allant poster les exemplaires du Bergstamm à Divonne histoire de me faire économiser quelques sous sur cet envoi conséquent, mon cher beau-père a fait un de ces petits numéros dont il a le secret.

Quand la gentille employée lui a poliment demandé d'aller imprimer les timbres dont il avait besoin à la machine d'à côté et de les coller lui-même parce que, voyez-vous, la nouvelle politique de La Poste est de faire participer le client, il lui a expliqué très sérieusement:

– Mais, Madame, vous savez, j'ai écrit un roman parce que je suis écrivain! Et, là, vous voyez d'où je viens? D'Argentine, c'est ça, d'Argentine! Je peux vous assurer que, là-bas, ça marche mieux qu'ici et qu'on vous ferait certainement pas bosser comme ça!

Avec un grand sourire à peine pixelisé, Jean-Jacques a terminé son Skype triomphal en admettant qu'il avait eu du bol que personne dans la queue derrière lui ne cause espagnol, parce que là, quand même, il aurait été bien emmerdé.

samedi 9 juin 2012

Tu vas beaucoup mieux

– La paternité, ça te rend heureux, ça t'a enlevé tout ton côté angoissé.

Quand Jeevan m'a dit ça, j'ai su qu'elle allait beaucoup mieux.

vendredi 8 juin 2012

Ce grand casino de la vie

Même après passé cinq ans, j'ai de la peine à me faire à l'idée que les pesos, c'est de l'argent: toujours un peu l'impression de jouer au Monopoly.

J'en connais un qui me dirait que c'est certainement une vision beaucoup plus proche de la réalité.

jeudi 7 juin 2012

Une seule vie, ça laisse pas beaucoup de temps

Hier soir, Caro a dit à Gustavo que cette assurance qu'on allait tous être, une fois, qu'on le veuille ou non, des bouddhas, ça lui faisait quand même un peu de bruit, surtout pour une religion qui ne faisait pas de prosélytisme.

– Mais, Mademoiselle, le bouddhisme n'est pas pressé, mais alors pas du tout. C’est pas comme le christianisme qui doit se dépêcher de convaincre: que voulez-vous, une seule vie, ça laisse pas beaucoup de temps.

mercredi 6 juin 2012

Contrôler mon temps intérieur

Une note, de 2010:

"L'écriture est une façon de contrôler mon temps intérieur, de ne pas trop le laisser aller ni vers le passé, ni vers le futur."

mardi 5 juin 2012

Des projets sans importance

C'est quand tous mes projets me semblent possibles que je suis vraiment en contact avec le monde. Les projets en eux-mêmes ont peu d'importance.

lundi 4 juin 2012

Les Poésies verticales par-dessus les mers

Une note, de 2010:

"Et là, un mail de maman qui vient de recevoir le Juarroz et qui a beaucoup aimé. Ça me remplit de joie, vraiment, c'est chouette. Du coup, une ouverture par-dessus les mers, par-dessus l'Atlantique, une communion avec sa lecture dans la nuit du printemps suisse, dans le parfum de son jardin de Tolochenaz. Tout est simple et possible. Et l'écriture, du coup, retrouve de la place.

Continuer d'observer ces mécanismes, de voir ce qui rend possibles les mots, ce qui les complique, ce qui les épaule, ce qui les éloigne. Me laisser aller à cet espace de la nuit, à cet espace des nuits, à cet amour qui me relie à maman par-delà les distances, cette image de cet amour qui me relie aux autres êtres mais que je suis pour le moment incapable de percevoir et de sentir.

Je me sens avec elle, je me sens en sa compagnie en train d'ouvrir son Juarroz au couteau, en train de penser à son romantisme adolescent, à la mort de son papa, à la mort du mien, à l'infini. Je suis heureux d'avoir pu la toucher là, d'avoir pu partager ça avec elle à travers la distance. Petite rupture de l'espace, petite rupture du temps. C'est ça qui importe, c'est tout ce qui importe, le reste est là en plus."

dimanche 3 juin 2012

Un ingénieux système de messages codés

1. Avec Celia, on s'assied dans un avion pour Lisbonne à côté de Nicolas, Nicolas nous semble sympathique, on commence à causer, il nous donne sa carte.

2. Une maison d'édition m'annonce qu'elle ne va finalement pas publier une traduction que j'ai faite et dont elle avait déjà acheté les droits, ça m'énerve, je décide de faire quelque chose de cet énervement, je lance un blog "histoire de prendre la circulation des mots par l'autre bout".

3. Je lis dans 24 heures un article sur Akoya Asset Management, je fais le lien avec Nicolas, je l'écris sur mon blog, les compteurs de Blogger explosent, Peu importe où arrive très vite en première page de google.ch pour les mots-clés "Akoya Asset Management".

4. Un ou plusieurs lecteurs s'intéressent à "Une liberté bien encombrante", je parle de cet intérêt dans un autre post, l'intérêt pour cette entrée de Peu importe où est multiplié.

Il devient alors assez tentant d'imaginer les entrées de ce blog, né dans une chambre d'hôtel entre Genève et São Paulo, comme un ingénieux système de messages codés destinés à une armada de banquiers helvètes peu scrupuleux, banquiers qui, à la différence de certains politiciens argentins, font indéniablement les choses en grand: un milliard d'euros, ça a quand même plus de gueule que ces misérables 150'000 pesos promis à quelques membres de l'opposition pour faire passer le dernier projet de loi en date!

Cette histoire de causette dans un avion pour Lisbonne qui donne à un blog concocté à Buenos Aires par un écrivain lausannois des lecteurs des quatre coins du monde permet surtout, dans une perspective autrement plus captivante, de lever un petit coin du voile qui recouvre ces réseaux de causalités qui circulent en arrière-plan de nos rencontres et de nos actes, ces réseaux qui prennent trop facilement l'allure, quand on ne leur accorde pas l'attention nécessaire, d'une suite de hasards heureux ou malheureux aux conséquences apparemment inattendues.

À ce sujet, je ne manquerai bien entendu pas de vous tenir au courant des effets de ces nouvelles mentions d'Akoya Asset Management sur l'audience de Peu importe où.

samedi 2 juin 2012

Un peu de lecture

Une note, de 2010:

"Quand je vois mes piles de livres, je comprends qu'il s'agit d'un futur maladroitement organisé."

vendredi 1 juin 2012

Se simplifier la vie

Si c'est possible de se simplifier la vie et de ne pas se retrouver, sous prétexte qu'ils vont nous permettre "d'apprendre des choses sur nous", justement dans les parages des gens avec lesquels on n'a pas envie de se retrouver, autant en profiter.

Oui. Se simplifier la vie.

En d'autres termes: ne pas se la compliquer sous prétexte de se la simplifier plus tard. La vie est bien assez grande pour se compliquer toute seule.